Deux poids, deux mesures ? Le couple Miami – David Stern

Le 01 avr. 2013 à 05:02 par Bastien Fontanieu

Un peu de Miami Heat en dessert ? Après avoir eu droit au magnifique run des 27 victoires d’affilé récemment, on pensait avoir un peu de répit venant de Floride. Le silence étant d’ailleurs imposé par la NBA et son manque d’action, mais chez TrashTalk les failles de la Grande Ligue ne passent pas inaperçues, et nous les disséquons avec la précision d’un chirurgien chargé des genoux de Derrick Rose (pas Andrew Bynum, on vous voit venir).

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Du coup, quelle ne fût notre surprise quand la revanche Spurs – Heat de cette fin de saison devint ternie par un manque d’objectivité flagrant venant de David Stern et sa troupe d’élite. Ce match présentait en effet depuis quelques jours une affiche alléchante sous tout regard, une possible preview des finales de Juin, et tout simplement 48 minutes de bataille entre les deux meilleures équipes de la Ligue, que cela soit dans la cohésion d’équipe, l’exécution offensive ou la science défensive. La possibilité également de voir ce que Miami donnait face à un vrai adversaire, après sa balade de 6 mois dans la Conférence Est : les Spurs, tout comme les Clippers à mon humble avis, représentant la menace numéro 1 qui pourrait empêcher le Heat de réaliser le doublé. Et après tout, quand on se souvient du match magnifique du 29 Novembre 2012 à Miami, décidé dans les derniers moments, on espérait pouvoir enfin obtenir de vraies réponses en cette soirée de fin Mars.

Malheureusement pour nous, Erik Spoelstra nous a lâché son plus bel et gros poisson (taille Popovich), et David Stern s’est régalé jusqu’à en ramasser la dernière miette. Décidant de ne pas aligner LeBron James, Dwyane Wade et Mario Chalmers, le coach du Heat ‘faisait reposer ses stars’ mais brouillait surtout les pistes tout en tentant un slalom des plus dangereux après la polémique de l’hiver 2012. Besoin d’une piqure de rappel ? Après un road-trip des plus éprouvants marqué par 4 matchs en cinq nuits, Gregg Popovich décide de se ramener à Miami avec son équipe B qui, au passage, bat encore 70% des franchises NBA. Envoyant Tim Duncan, Danny Vert, Tony Parcoeur et Manu Ginobili se reposer dans le Texas, le coach aux cheveux blancs voit dans cet affrontement un simple match de saison régulière contre une équipe qu’il aura peu de chance de retrouver à l’avenir, et l’occasion de tester ses jeunes recrues contre une belle équipe en antenne nationale. Et vu que Memphis et ses Grizzlies se ramènent en ville le surlendemain, autant reposer ses meilleurs éléments pour assurer face à un poids lourd de la Conférence Ouest, ce match étant nettement plus important qu’un showdown 100% basé sur les fans et leurs envies de duels imaginaires. Cette technique, Popovich l’utilise depuis des années, et ce contre toutes les équipes de NBA, à n’importe quel moment du calendrier, quand bon lui semble en fait, sans que cela ait posé le moindre soucis jusque là.

Dans le cas de San Antonio, ce n’est pas qu’ils sont venus en ville en reposant des joueurs en forme, c’est qu’ils ont envoyé un joueur de 26 ans, un de 30 ans, Manu Ginobili et Tim Duncan pour des raisons pas très claires… et ce sans avoir respecté le protocole concernant les blessures et maladies qui peuvent avoir lieu.

Et cette prise d’initiative anti-commerciale, anti-Stern, tout simplement axée sur les résultats long-terme des Spurs et non ceux financiers de la Ligue, ainsi que la protection de joueurs âgés qui demandent plus de repos que d’autres au sommet de leur condition physique ne plait pas du tout au dictateur dirlo de la Ligue, qui décide de sévèrement punir la franchise de San Antonio : 250.000$ dans sa poche, et surtout une liste d’arguments qui ferait doucement rire n’importe quel fan un chouilla plus intéressé par la vraie NBA que celle proposée par ces résumés de 2:47 diffusés tous les matins sur NBA.com, le café bouillant dans la main et l’haleine fraîche. Malheureusement pour nous, et heureusement pour le boss, une grande partie de ses fans (dont moi parfois) se retrouve dans cette description précédente, et se met à taper à l’unisson sans la moindre analyse sur des Spurs qui ne font que privilégier leurs chances de titres, excusez du peu. Le reste n’est que l’histoire, Nando De Colo et Tiago Splitter tiennent tête au Heatles en antenne nationale, ces derniers s’échappant avec la victoire sur un dernier tir de Ray Allen après un match tout simplement sublime, les fans se régalent.

Les raisons de l’amende ? Cachées derrière un nouveau protocole sortit de son chapeau magique, un mix de ‘c’était trop tôt dans la saison’ et ‘certains joueurs avaient moins de trente ans’, Monseigneur Stern exprime au final une sorte de déception majeure de ne pas avoir pu voir le match dont il avait envie dans son canapé, payé par McDonalds et les vétérans de l’Armée US (NBA Cares, remember?). Les Spurs sont alors la honte de la NBA, pour avoir mis toutes les chances de leur côté en visant le mois de Juin 2013, et Popovich tente de gérer son effectif avec le plus d’efficacité possible, lui qui devient en une soirée l’axe du mal, l’anti-Heat, le vilain soviétique mangeur d’enfant. Le tout avec un David Stern lavé du moindre reproche, caché le temps d’une semaine derrière la bannière des fans, ces derniers déçus de ne pas avoir pu voir toutes ces formidables actions dont les Spurs nous ont habitué et qui bien évidemment passionnent le fan lambda : la joie de pouvoir voir Tim Duncan mettre un tir avec la planche, Manu Ginobili flopper prendre un passage en force sur Dwyane Wade, et Tony Parker exécuter un pick-and-roll d’école. Fous-toi de ma gueule.

Fous-toi de ma gueule David. Depuis des années le fait que les Spurs réussissent t’énerve au plus haut point, leur jeu ne produit pas de star omniprésente à la télé de par leurs sponsors ou leurs déclarations, mais continue à faire danser James Naismith et Bill Russell, réunis le temps d’un soir au AT&T Center de San Antonio, devenu le temple du basket parfait, préférant zoomer sur le nom au devant du maillot plutôt que celui derrière. Gregg Popovich t’agace, trop honnête et trop culotté, il prend tes petits plans et les fait tourner sur eux mêmes tel Heath Ledger dans le Dark Knight. Les Spurs, dont personne ne veut, une petite communauté qui persiste, ici et là, tentant de comprendre pourquoi cette admiration pour les Kobe, les Dwight et les Griffin, quand ceux-ci ne comprennent pas un quart de ce que met en place la franchise texane : un groupe à succès, soudé dans l’adversité depuis des années, du premier au dernier joueur, plus grand pourcentage de victoires depuis 15 ans tout sport américain confondu, qui pratique le jeu le plus sexy de la planète mais ne fait pas la une des journaux car son marché est aussi grand que celui de Nantes, toute proportion gardée. Jeu sexy oui, qui hélas (pour beaucoup) ne se termine pas par un alley-oop moulin à vent plus la faute, se tapant sur les pectoraux en criant sur le public, mais un simple tir ouvert à trois points, les pieds et épaules alignés, comme à l’entraînement, le poignet fouetté et suivi par un retour rapide en défense une fois la sanction achevée. Ce jeu qui fatigue autant les jeunes fans de basket que les adversaires des Spurs, ne savant plus où donner de la tête, préférant aller gonfler l’armure à la salle au lieu d’y ajouter du savoir dans les livres.

Ce succès énerve David Stern au plus haut point, lui qui n’a pas su intervenir hier soir, pensant que cela passerait inaperçu. Mais pourtant, il a raison, nous sommes en fin de saison non ? Synonyme de freestyle complet au niveau des effectifs, des cinq majeurs les plus déroutants, mélangeant nausées et crampes aux abdos ? Alors pourquoi avoir défendu les fans, David. Pourquoi avoir parlé de ce ‘petit garçon’ qui viendrait voir Tim Duncan pour la première fois de sa vie, à Miami lors de sa seule visite, si ce garçon existe d’ailleurs, vu que son père lui montre les Top Ten de Blake Griffin au quotidien, alors que ce boeuf ne sait pas mettre un seul kiss avec la planche à l’entraînement. Pourquoi parler de ce garçon, déçu, meurtri, jusqu’au plus profond de son être, qui devra porter cette blessure tout sa vie, de ne jamais avoir vu le meilleur ailier-fort que le jeu ait proposé sur une décision de coaching ? Soit. Ce petit garçon, nous avons rencontré son meilleur ami, qui habite à San Antonio. Sur Facebook, ils se sont parlés, de ce match de Novembre 2012, qui au final n’avait pas tant peiné ce jeune adolescent floridien, puisqu’il assistait ce soir-là à une des plus belles rencontres de la saison. Un beau basket, collectif, engagé, et un finish de rêve. Et à quelques heures du match d’hier soir, son ami du Texas ne tenait plus en place, lui qui allait ENFIN voir LeBron James en vrai, en live, au sommet de son art, lors de sa plus belle saison, dominant soir après soir, bien aidé par un Dwyane Wade flamboyant, futur Hall of Famer, ce duo rentrant dans l’histoire de par leur récente série de victoire. Lui aussi, ce jeune garçon, il les a vu ces vidéos de LeBron, rêvant de le voir dunker en vrai, devant lui. Dunker, en vrai, devant lui. Hélas, ce moment, il ne le verra pas.

C’était la seule visite des Spurs à Miami, avec un mois seulement de joué. Ne prévenir personne et renvoyer chez eux des joueurs jeunes et en forme méritaient une sanction, et c’est ce que j’ai fait.

Sans le moindre soucis, David Stern se déféra de la-dite bannière des fans en une soirée. Fans des Spurs ? Qu’en a-t-il à faire. Ce ne sont que des texans après tout, ils montent sur des taureaux et n’apportent rien financièrement, laissons-les. En Floride par contre, et surtout à Miami, les fans et leur pouvoir d’achat y sont des plus intéressants, soutenant LeBron James, dépensant des fortunes inimaginables pour suivre leurs idoles, buvant les paroles de celui ou celle qui soutiendra la Heat Family. Cette logique bien qu’extrêmement rentable et compréhensible, détruit le basket-ball. Et dans une tentative de justification, David Stern se retrouve au festival Juste Pour Rire. “Les Spurs ont envoyé un joueur de 26 ans, un de 30 ans, et Manu Ginobili + Tim Duncan sans blessure valable, sans avoir prévenu la Ligue ou la franchise du Heat à l’avance.” LeBron James et Mario Chalmers ont moins de 30 ans, Dwyane Wade n’a aucune blessure valable. Il ne fallait pas se cacher derrière les fans. Quand le transfert pour Chris Paul aux Lakers a été annulé, il ne fallait pas se cacher derrière les fans. Quand le Heat a réalisé hier soir sa seule visite dans le Texas sans ses stars, ruinant les rêves de nombreuses personnes ayant également payé leurs billets au plus haut prix, il ne fallait pas se cacher derrière ses fans.

Au final, et pour notre plus grand plaisir, les Spurs et Heat nous ont encore offert un chef d’oeuvre de basket-ball. Les hôtes, continuant à produire ce jeu rapide, au transfert de balle limpide, ont assuré leur partie en apportant leur meilleur jeu hier soir, sans Manu Ginobili. Les visiteurs, boostés par les absences de leurs deux meilleurs joueurs, ont assuré dans tous les compartiments du jeu, attirant respect et applaudissements de la part de fans puristes de basket. Ce basket cinq étoiles, où la danse s’effectue à un rythme incontrôlable, écrans sur écrans, tel un tango répété à la perfection, les joueurs anticipant chaque aide, chaque mouvement, pour effectuer le bon geste. Un ballet d’exception, où les gouttes de transpiration sont remplies de passion, les efforts sont multipliés, l’intensité décuplée. Hier soir, le Texas était le centre de la planète basket-ball. Et pas par les noms situés aux dos des maillots des joueurs présents, mais par la beauté du spectacle proposé par deux équipes au sommet de leur art. Ce n’est pas qu’on souhaite une Finale Spurs – Heat, c’est simplement qu’on prie chaque jour pour avoir un dernier rail de cette drogue si bonne, si unique, si perdue de nos jours. Mais encore faudra-t-il que les autorités laissent une équipe de bas de tableau (financier) faire son chemin jusqu’en Finale. Et ça, même si c’est la bannière des fans puristes qui s’exprime, on se demande si les Spurs réaliseront une nouvelle fois “l’impensable.”


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