Comment la Team USA a appris à considérer autrement le basket international

Le 16 sept. 2014 à 19:31 par Ludovic

Dimanche, la Team USA a gagné un nouveau titre. On a pu parler sur TrashTalk de la faible popularité de cette compétition auprès du public américain. Cependant, on peut noter que l’équipe américaine prend l’opposition plus sérieusement depuis quelques années. Les fans ont appris à aimer cette équipe ou, tout du moins, à ne plus avoir envie de la voir échouer.

Depuis quelques années, l’équipe des États-Unis a changé de comportement. Même si ces dernières semaines, on a pu voir Kenneth Faried montrer ses muscles, DeMarcus Cousins gueuler comme un putois ou encore James Harden refuser de défendre (non, en fait, ça c’est tout le temps), les représentants de la bannière étoilée ont quand même prouvé de belles choses durant cette compétition. Alors certes, leur calendrier était simple, mais les mecs ont quand même démontré un état d’esprit et une envie certaine, reprenant les valeurs de leurs plus proches prédécesseurs et coupant totalement les ponts avec l’équipe de 2002, qui avait terminé à la 6ème position aux Championnats du Monde qui se déroulaient à l’époque sur leurs terres, à Indianapolis.

A l’époque, après une finale olympique face à la France marquée par le triomphe d’une équipe menée par Jason Kidd, Kevin Garnett, Vince Carter ou Gary « Papa » Payton, les Etats-Unis se sentaient sans aucun doute forts, peut-être trop. La faible frontière entre la confiance et l’arrogance avait été franchie et les joueurs se sentaient intouchables. Les trois lettres sur l’avant de leurs maillots leur faisaient sans aucun doute penser que la victoire leur serait donnée, quoi qu’il arrive. Leurs noms, reconnus en NBA, les incitaient à croire que leurs adversaires directs les laisseraient sans doute marquer, contrer, intercepter, avant de venir leur demander un autographe à la fin du match, la queue entre les jambes. Sauf que tout ça fonctionne quand on s’appelle Michael Jordan, Larry Bird ou Magic Johnson. En 2002, l’équipe était composée de Ben Wallace, Antonio Davis, Elton Brand, Andre Miller ou encore Baron Davis. Des bons joueurs, sans aucun doute. Pas des légendes. Certains d’entre eux, n’ont jamais su s’adapter au jeu FIBA et n’ont pas fait les efforts nécessaires pour gagner quelques rencontres : manque de professionnalisme ou de de respect à l’égard du basket international ? Un general manager a d’ailleurs utilisé une image très parlante pour évoquer cette débâcle : « Il y avait 12 limousines les attendant, prêtes à les faire sortir de la ville dès leur défaite. » Aucun esprit d’équipe, pas de respect pour le pays. Rien. Le coach, George Karl, était alors en froid avec Paul Pierce, peut être le meilleur joueur de l’équipe. Baron Davis n’acceptait pas l’idée de sortir du banc derrière Andre Miller. Des disputes de gamins, des caprices d’enfants.

Alors fondamentalement, qu’est ce qui a changé entre cette débâcle, et l’équipe qui est venue chercher l’or ? Quand certains estiment qu’il est triste de voir l’équipe F des États-Unis remporter si facilement cette compétition (Salut toi, journaliste du CFC), ne faut-il pas, au contraire, être heureux de voir la meilleure nation de notre sport prendre au sérieux chaque équipe qu’elle rencontre et jouer les 40 minutes à fond ? Et finalement, la nation arrogante, est-ce toujours l’équipe américaine ? L’Espagne peut sans aucun doute prétendre à une part du gâteau. D’ailleurs, les jeunes pousses de l’oncle Sam ont sans doute eu du mal à digérer le fait de voir de nombreux observateurs les donner perdants face à la Roja, en cas d’affrontement. Et n’ont pas oublié que le peuple espagnol bombait un peu trop son torse.

Quoi qu’il en soit, les States bossent mieux, préparent mieux la compétition et considèrent davantage l’opposition. Et qui doit en recevoir les louanges ? Le basket mondial, sans aucun doute, pour avoir augmenté son niveau au fil des années. Mais il y a également eu une refonte inhérente à l’organisation d’USA Basketball. Aucune sélection n’est due, un spot dans l’équipe devait se mériter lors de camps d’entrainement élargis. L’instigateur ? Larry Brown, coach de l’équipe olympique de 2004, appuyé par Jerry Colangelo. Son idée était simple : plutôt que de désigner les 12 représentants directement, il souhaitait voir un grand nombre de candidats. Ces derniers devaient par la suite mériter d’intégrer l’équipe. On peut imaginer qu’un coach de cette envergure ne prenait pas simplement les meilleurs mais avait des critères un peu plus élaborés : alchimie dans le jeu, complémentarité des profils, affinités hors des terrains… Bref, la vie d’une sélection normale.

Un évènement a également changé la perception des joueurs américains. Il faut bien considérer que ceci est l’avis d’un homme, Tony Ronzone, actuellement employé des Dallas Mavericks, anciennement scout international et membre de la Team USA. Pour lui, c’est le match entre les États-Unis et le Brésil en 2007, au Tournoi des Amériques, qui a été le berceau de ce changement d’état d’esprit. A l’époque, Leandro Barbosa est en feu et marque environ 27 points par match depuis le début de la compétition. Kobe, délaissant un rôle de leader offensif, se met en tête de museler l’intrépide brésilien. A un moment du match, la star de Los Angeles met la pression à Barbosa sur son dribble, forçant l’interception. Le joueur des Lakers plonge littéralement pour récupérer le ballon. Tony Ronzone s’en souvient :

“Je vous jure que ça a été le déclencheur. Quand vous voyez le meilleur joueur du monde qui sacrifie son corps pour aller récupérer une balle perdue, ça nous a changés. Les grands joueurs doivent jouer de cette façon. Il suffit de se regarder dans le miroir et de se dire ‘on doit jouer de cette façon’ ».

Kobe_Barbosa

Leandro Barbosa ne marquera pas un seul point face à Kobe ce soir-là et terminera à 1/7 aux tirs. Le fait est que plutôt que de prendre ce match à la légère, puisque l’équipe américaine, ce soir-là, était clairement monstrueuse, Bryant avait décidé, comme à son habitude, d’en faire une affaire personnelle, s’abreuvant de vidéos de son adversaire direct, prenant en compte ses habitudes, sa propension à shooter à tel endroit, à utiliser un côté particulier pour driver au cercle… On n’avait pas vu une telle star se dépouiller autant les années précédentes, et après le  bronze aux Championnats du Monde de 2006, Coach K, qui avait repris la suite de Larry Brown, gagnait sa première médaille d’or avec cette sélection, la première d’une longue série. L’image de Kobe se jetant pour récupérer le ballon, Mike Krzyzewski n’hésite pas à la prendre en exemple, selon Tony Ronzone, pour bien faire comprendre qu’en équipe nationale, c’est le « nous » qui prévaut au « je ».

Cette image est hautement symbolique et on sait que les Américains sont friands de ces contes ou un événement particulier a permis de faire basculer l’Histoire. Cependant, on peut prendre en compte un autre fait tout aussi important : la nomination au poste de sélectionneur, à long terme, du patron de Duke, qui a sans aucun doute changé la donne. Grand cerveau du basketball, unanimement respecté et installé sur le long terme, il a su changer en profondeur la vision américaine sur l’international. La mise en place d’un véritable projet, avec des joueurs comme Kobe mais aussi des plus jeunes comme LeBron ou encore Carmelo qu’il a su intégrer petit à petit, a considérablement amélioré le niveau global et la cohésion de l’équipe.

Contrairement à cette dynamique positive aux USA, certaines équipes internationales sont plutôt sur la pente descendante et ont du mal à se réinventer. D’immenses stars ont pris leurs retraites, d’autres comptent le faire prochainement comme Dirk Nowizki et les jeunes joueurs internationaux cherchent parfois plus à s’imposer dans la grande ligue l’été, plutôt que de représenter leurs pays. Ces deux dynamiques diamétralement opposées ont ainsi creusé un fossé qui, autrefois abyssal, s’est vu réduit à peau de chagrin dès le début du XXIème siècle.

Avant de voir la tendance s’inverser, il faudra peut-être attendre encore quelques années. Alors que certains de ses meilleurs éléments n’étaient pas du voyage, on n’a pas vraiment vu l’équipe transpirer lors de son périple sur la péninsule ibérique. Accumuler les médailles d’or lors des prochaines échéances poussera peut-être les Américains à se dire que le danger n’existe plus. Le cycle pourra alors recommencer. Mais chez USA Basketball, deux hommes veillent à ce que cela n’arrive plus : Mike Krzyzewski et Jerry Colangelo. Et tant que ces deux-là seront sur le trône, pas sûr que les autres nations aient une chance d’accéder au pouvoir.

Sources image : Bleacher Report & ESPN

Source article : Bleacher Report

 


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