Basket aux Jeux Olympiques – Séoul 1988 : la victoire de l’URSS précipite l’arrivée des stars NBA sur la scène internationale

Le 09 mai 2024 à 12:43 par Benoît Carlier

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Source image : YouTube/Olympics

Les Jeux Olympiques de Séoul en 1988 marquent les grandes retrouvailles entre l’URSS et les États-Unis, en demi-finale du tournoi masculin. Une rencontre à l’échéance inattendue qui marque la bascule vers le basketball international tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Les vieux fantômes de Munich

Sacrés champions olympiques dans la polémique à Munich en 1972, les Soviétiques n’ont plus croisé la route des Américains depuis 16 ans. Les deux camps se sont esquivés à Montréal, puis les États-Unis ont boycotté les Jeux de Moscou en 1980 avant que l’URSS ne fasse de même à Los Angeles quatre ans plus tard.

En Corée du Sud, Team USA se présente toujours avec les meilleurs universitaires du pays. David Robinson est présent en chef de file, prêt à prolonger l’hégémonie américaine mise en péril lors de la Coupe du Monde 1986 en Espagne. Sous les ordres du coach de Georgetown, John Thompson, les Américains roulent sur le premier tour à l’exception d’une petite frayeur face au Canada (76-70). En quart de finale, Porto Rico est complètement dépassé. Les cainris en profitent pour soigner les stats avec un +37 au tableau d’affichage. Le parcours soviétique est légèrement plus mouvementé avec une défaite inaugurale face à la Yougoslavie de Drazen Petrovic, Toni Kukoc et Vlade Divac au premier tour (79-92) et un quart de finale accroché face au Brésil (110-105).

Sur le papier, la dynamique penche clairement du côté de l’ogre américain qui rêve de se venger de son ennemi idéologique après l’épisode de Munich et ses trois dernières secondes interminables. 16 ans après, il y a prescription diront certains. Il ne reste plus un seul représentant des deux équipes dans les rosters actuels, mais l’Oncle Sam n’a toujours pas digéré la manière dont cette finale olympique s’est terminée. Une banderole “Nous attendons cela depuis 16 ans” accrochée par les supporters américains attend les joueurs à la sortie du tunnel pour rappeler l’enjeu additionnel de cette rencontre. David Robinson, Dan Majerle, Mitch Richmond ou Danny Manning ne sont pas encore des superstars mais le potentiel de cette équipe en fait la favorite de ce match, d’autant que l’URSS doit faire avec un leader qui n’est clairement pas en pleine possession de ses moyens.

Le cas Arvydas Sabonis et les prémisses du basketball lituanien

Drafté par les Blazers en 1986 malgré l’interdiction des joueurs soviétiques d’évoluer en NBA, Arvydas Sabonis est victime d’une rupture du tendon d’Achille. Portland propose à l’URSS de soigner le pivot lituanien qui revient miraculeusement pour le début des Jeux Olympiques de Séoul malgré les contre-indications du Dr Cook. Les agissements de la franchise de l’Oregon sont perçus comme une trahison par une partie des Américains qui craignent un retour de bâton pour la sélection internationale, le coach américain le premier :

“Sabonis est l’exemple même de la prédiction de Lénine qui disait que les capitalistes vendraient un jour aux communistes la corde qui servirait ensuite à les pendre. Je pense que nos adversaires directs nous exploitent. Il ne faut pas préparer Sabonis à jouer contre nous.”

Sur un plan purement sportif, John Thompson n’a pas tort. Même en surpoids, Sabas a de quoi faire mal. L’intérieur de 2,21 m est puissant et anormalement technique pour un joueur de sa taille. Les inquiétudes américains se vérifient rapidement sur le parquet lors de la demi-finale, Sabonis aspirant les rebonds comme un Dyson (13 points et 13 boards). À ses côtés, Rimas Kurtinaitis est en feu avec 28 points en 33 minutes à 4/6 du parking. Une statistique remarquable pour l’époque où le tir extérieur est beaucoup moins sollicité qu’aujourd’hui. Pour ne pas attirer l’attention des scouts américains sur la précision de son sniper, le coach soviétique avait veillé à cacher Kurtinaitis au premier tour. L’arrière Sarunas Marciulionis (19 points) complète ce trio, teasant un peu la surprise lituanienne lors des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 quatre ans plus tard. Le verdict tombe, l’URSS déjoue les pronostics et s’impose 82-76 face aux États-Unis.

Pour retrouver la boxscore de cette guerre des blocs c’est par ici

Une victoire tactique

En conférence de presse, les Soviétiques donnent les clés de ce succès tonitruant. La star du jour dévoile une partie du secret :

“Au cours des jours précédents, ils ont dépensé beaucoup d’énergie, mettant de la pression à chaque rencontre pendant presque toutes les 40 minutes, même si cela n’était parfois pas nécessaire. Notre équipe s’est avérée plus compétente sur le plan tactique. En seconde période, nous avons souvent marqué après des contre-attaques rapides qui se sont terminées par des tirs directement sous le panier.” – Rimas Kourtinaitis

La meilleure punchline est à créditer à l’entraîneur Alexandre Gomelski :

“Ma méthode, c’est que j’aime gagner le dernier match, pas le premier.”

Dans le même temps, John Thompson est assailli de toute part et ses joueurs se désolidarisent de leur entraîneur devant la presse. Plutôt discret d’habitude, David Robinson parle de “dictateur” pour désigner le technicien. Le mot est lâché. On reproche aussi au sélectionneur d’avoir essayé de dupliquer sa méthode à Georgetown, misant tout sur la défense pour stopper les meilleurs scoreurs yougoslaves et soviétiques. Steve Kerr et Rex Chapman coupés deux mois avant les JO auraient pourtant été bien utiles en demi-finale avec leur adresse extérieure.

Mais c’est bien à la télé que les Américains regardent l’URSS remporter une nouvelle médaille d’or en battant la Yougoslavie en finale (76-63) grâce à un Arvydas Sabonis en état de grâce (20 points et 15 rebonds).

Le début d’une nouvelle ère pour le basket mondial

Après cet échec collectif, les Américains rentrent au pays la tête basse. C’est la première fois qu’ils ne participent pas à la finale depuis que le basketball est un sport olympique. Boris Stankovic, le secrétaire général de la FIBA, saisit la perche et relance le débat pour ouvrir les compétitions internationales aux joueurs professionnels de la NBA. Bien aidé par le nouveau commissionnaire, David Stern, très motivé à l’idée de se développer à l’étranger, il obtient gain de cause en 1989.

Membre de l’équipe d’URSS médaillée d’or à Séoul, Serguei Tarakanov est conscient de ce déclic provoqué par sa victoire face aux Américains en 1988.

“Nous avons donné une grande impulsion au basket-ball mondial. Je le dis sans fausse modestie. Si les Américains avaient pris leur revanche de 1972, tout serait resté en place. Et nous avons changé le sport mondial. La Dream Team est apparue, la distance entre la NBA et le monde entier a diminué, et maintenant un grand nombre d’étrangers jouent dans la ligue. Et cette mondialisation du basket-ball s’est produite, tout d’abord, grâce à notre victoire.”

Sans la défaite de Team USA à Séoul, il n’y aurait sûrement pas eu de Dream Team à Barcelone en 1992 et Cooper Flagg serait peut-être le leader de la sélection américaine qui se rendra à Paris cet été. Le what if est fou mais pas si improbable. On en a justement parlé lors d’une Enquête à visionner ci-dessous.

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Sources texte : Pascal Legendre dans Maxi Basket via Basket Europe, Olympics, Basketball Network

Les Jeux Olympiques de 1988 à Séoul

  • Du 17 septembre au 30 septembre 1988
  •  Jamsil Gymnasium (Séoul)
  • 12 équipes Hommes / 8 équipes Femmes
  • Or – URSS / États-Unis
  • Argent – Yougoslavie / Yougoslavie
  • Bronze – États-Unis / URSS